Nouvelles précarités, nouveaux publics en difficulté… Emmaüs est sur tous les fronts de la lutte contre l’exclusion. Dans ce deuxième épisode d’Un autre monde, Pina Wood découvre trois initiatives originales pour lutter contre la pauvreté : les SOS Famille Emmaüs, les Casiers Solidaires et la ferme de Moyembrie.
Episode 2 : des utopies concrètes
La suite de notre voyage dans ce monde emmaüssien se fait auprès de Geneviève Caty Poulain, présidente du SOS Famille Emmaüs de Bourg-en-Bresse qui nous présente l’action de ces structures Emmaüs qui luttent contre le mal-endettement.
Véritable problème de société, le mal-endettement touche de plus en plus de Français. Paiement des loyers, factures de gaz, d’électricité, accidents, frais imprévus… Les charges augmentent, les dettes s’accumulent, et on se retrouve vite dans de très grandes difficultés. La crise sanitaire a révélé l’ampleur de ce problème encore peu connu, alors que les charges des familles se sont accrues naturellement sous l’effet des confinements : plus de cantine scolaire, facture d’énergie en hausse…
Depuis les années 70, les SOS Familles Emmaüs ont pour mission de soutenir les ménages en situation de précarité financière, en les conseillant sur leur gestion budgétaire et en leur apportant une aide financière remboursable, sans frais ni intérêt, afin d’éviter la spirale infernale du surendettement. Ces structures sont au cœur d’une grande chaîne de solidarité, puisque l’argent prêté vient de l’activité des compagnes, compagnons et salariés en insertion d’autres structures Emmaüs.

Geneviève Caty Poulain, présidente du SOS-Familles-Emmaüs de Bourg en Bresse
Face à la crise sanitaire, Les SOS familles ont redoublé d’effort, pour accompagner les nombreuses personnes qui les sollicitent à distance.
Le lien social, c’est très important ! Nous avons appelé toutes les personnes qui avaient des dossiers en cours de remboursement, pour rompre l’isolement, prendre de leurs nouvelles et voir comment elles supportaient le confinement.
>> Geneviève Caty Poulain, présidente du SOS Famille Emmaüs de Bourg en Bresse
Trouver des solutions pour lutter contre les précarités moins visibles. Aider les personnes à reprendre de l’élan et faire confiance. C’est aussi le projet d’Emmaüs Alternatives qui a installé à Montreuil, dès 2018, des casiers solidaires sécurisés à la disposition des personnes sans abri pour qu’elles puissent y entreposer leurs affaires dans l’espace public. En plus de prévenir le vol ou la perte de leurs biens (leur argent, leurs papiers, leurs vêtements…), ces casiers évitent aussi la stigmatisation liée au fait de se déplacer constamment avec tous ses effets personnels. Ils sont accessibles 24h sur 24, à l’aide d’une clef. Le contrat passé avec chaque personne bénéficiant de ce dispositif comprend par ailleurs un accompagnement social hebdomadaire pour amorcer une insertion durable. Il est basé sur l’« aller vers », une démarche qui vise à atteindre des publics hors des radars de l’action sociale, qui ne viennent pas ou plus dans les structures qui leurs sont dédiées, et permet de lutter contre le non-recours aux droits et aux prestations.
On ne demande pas aux gens de venir vers nous. On va vers eux, vers l’endroit où ils dorment, l’endroit où ils ont envie qu’on les rencontre (…). On fait – en temps normal – quasiment tout le travail dans la rue ou dans un café afin qu’ils n’aient pas besoin d’aller vers une structure ou un accueil de jour et c’est essentiel, parce qu’il n’y a quasiment aucun autre dispositif qui fonctionne comme ça !
>> Marie-Hélène Le Nedic, directrice du pôle action sociale et hébergement à Emmaüs Alternatives.

Les casiers solidaires d’Emmaüs Alternatives à Montreuil
J’ai pu mettre mes affaires à l’intérieur tout en les sécurisant. On est accompagné pour la recherche du travail, les démarches administratives, les impôts, la CAF, tout ça.
>> Nicolas, bénéficiaire du dispositif.
Lauréat de la France s’Engage, le dispositif qui n’était pour l’instant implanté qu’à Montreuil va s’étendre à 14 villes françaises dont Paris et Clermont-Ferrand.
Tous ces dispositifs sont basés sur la confiance : accorder une avance financière, confier les clés d’un espace sécurisé. Pour Emmaüs, cette confiance est primordiale. Et on la retrouve aussi à la Ferme de Moyembrie, dans laquelle Pina Wood nous entraîne pour conclure ce deuxième épisode.
Nous allons près de Soissons, dans les Hauts-de-France, à la Ferme de Moyembrie, où sont accueillis des détenus en fin de peine de prison. Cette ferme est conçue comme un espace de transition, où les résidents réapprennent progressivement la liberté, dans un cadre bienveillant et responsabilisant. Une solution qui permet d’éviter les sorties « sèches », sans accompagnement, qui compromettent fortement les chances de réinsertion.
Embauchés en contrat d’insertion, les résidents cultivent des légumes bio, élèvent des poules et de chèvres et fabriquent du fromages. Ils bénéficient également d’un accompagnement social dans la recherche d’un logement, d’un emploi et l’ouverture de leurs droits sociaux. Autant de petits pas pour préparer la reconstruction de l’avenir.

Olivier de la Ferme de Moyembrie
Je suis venu en permission au mois de septembre. Quand je suis venu ici, je ne voulais plus repartir en prison. J’étais trop bien ici. Je me suis dit : « c’est mon univers »
>> Olivier, ancien résident devenu encadrant à la Ferme de Moyembrie

Sandrine Roudaut
Inventer de nouveaux modes d’action pour lutter contre l’exclusion. Se renouveler pour s’adapter aux évolutions de la précarité. C’est ce qu’Emmaüs essaye de faire depuis 1949 : imaginer un monde plus juste et se mettre en action pour le faire advenir. Concrétiser des utopies. Sandrine Roudaut, essayiste et auteure de L’Utopie mode d’emploi nous a livré plusieurs clés de lecture pour concevoir l’action d’Emmaüs sous l’angle de l’utopie :
« L’utopie, c’est décider du monde dans lequel tu veux vivre. (…) Tu ne regardes que demain, ce que tu veux voir advenir, ce monde sans précarité, et tu t’en charges. Tu n’attends pas que d’autres le fassent à ta place. Et pour t’en charger, il faut que tu trouves tes alliés et c’est ça aussi Emmaüs, c’est une nouvelle famille, à la fois avec les bénévoles, les fondateurs, avec les gens qui sont dans la précarité, avec ceux qui montent des projets.. »
Se charger du monde que l’on veut voir advenir. Penser un avenir plus solidaire et inclusif. Dans le prochain et dernier épisode d’Un autre monde, nous découvrirons comment Emmaüs répond aux défis les plus contemporains de notre société, mais aussi aux défis qui se poseront demain…
Un autre monde est disponible sur toutes les plateformes de podcast.
REMERCIEMENTS
Un grand merci à Geneviève du SOS Familles Emmaüs Bourg-en-Bresse et à Thibaut, à Marie-Hélène d’Emmaüs Alternatives, Simon de la Ferme de Moyembrie et Sandrine Roudaut d’avoir rendu possible cette aventure! Merci également à toutes les personnes qui ont témoigné dans ce premier épisode : Nicolas, Olivier, Brice, Mehdi et les autres résidents de la ferme de Moyembrie. Merci enfin à Emmaüs International et aux Archives Nationales du Monde du Travail pour les extraits audio.
Production Studio Ground Control ; direction éditoriale : Mathilde Girault ; production et écriture : Laura Eisenstein ; réalisation et mix : Frédéric Haury ; voix-off : Pina Wood ; Identité graphique : Rose Bernard.
Crédits audio : Abbé Pierre ©Emmaüs international, légataire universel de l’abbé Pierre. Les documents reproduits sont issus des archives de l’abbé Pierre et d’Emmaüs International déposées aux Archives Nationales du Monde du Travail à Roubaix (France).